CHAPITRE V
LES NOUVELLES TECHNOLOGIES DE L’INFORMATION ET DE LA COMMUNICATION (NTIC)
Le concept «Nouvelles technologies de l’information et de la communication» (NTIC), est souvent utilisé et compris comme synonyme d’Internet avec tout ce que cela suppose: l’utilisation d’ordinateurs et de divers réseaux de télécommunications permettant de relier les utilisateurs entre eux, et de les relier à l’information.
Certes, les technologies qui supportent et permettent le développement d’Internet sont aujourd’hui au cœur des NTIC mais ces dernières ne se limitent pas à Internet. Le concept de NTIC doit être ici entendu comme recouvrant l’ensemble des outils et techniques résultant de la convergence des télécommunications, de l’informatique et de l’audiovisuel avec comme dénominateur commun l’utilisation de données numériques. Il n’exclut donc pas les services «classiques», tels que la radio et la télévision dont la diffusion peut désormais être faite sur les mêmes supports numériques.
A - HISTORIQUE
L’infrastructure actuelle de télécommunications est le résultat d’un long processus:
1. de l’époque coloniale à 1972: mise en place d’une ligne aérienne Ayérou-N’guigmi d’environ 1 500 km avec des bretelles en lignes aériennes autour de cet axe;
2. 1973: installation de huit centrales téléphoniques automatiques et d’un faisceau hertzien 24 circuits entre Niamey et Dosso;
3. 1978: prolongement du faisceau hertzien Niamey-Dosso pour réaliser Niamey-Maradi et Niamey-Zinder avec une liaison FH à grandes capacités;
4. 1981-1993: mise en œuvre des différentes phases du Projet mixte d’extension des télécommunications et de la télévision (PMETT) pour desservir l’intérieur du pays à travers:
un réseau à satellite domestique entre Niamey-Agadez et Diffa;
un faisceau grande capacité entre Arlit et Agadez;
des centrales téléphoniques et réseaux locaux correspondants;
un faisceau hertzien Diffa-N’Guigmi;
l’extension et la modernisation des réseaux aéro-souterrains à Niamey, Dosso, Tahoua, Agadez, Maradi et Zinder;
l’installation par la suite de deux stations terriennes domestiques à Bilma et Tchintabaraden;
5. 1989-1997: mise en œuvre du Programme de développement des télécommunications 1989-1991 comme suit:
numérisation des centraux de Niamey et Maradi;
solarisation des stations relais de l’axe sud;
construction du réseau d’abonnés de Yantala (Niamey);
intercentraux fibre optique de Niamey;
réhabilitation et extension du réseau d’abonnés de Niamey et Maradi;
intégration de la fonction CT3 à l’OCB 283 de Niamey;
6. 1999-2000: Programme FED. Il a pour objectifs, d’une part, l’installation d’une station terrienne à Arlit et d’un faisceau hertzien numérique de départ entre Niamey et Karma et, d’autre part, la création d’un système de raccordement des abonnés administratifs à Niamey. Il vise également l’extension de l’OCB 283 de Niamey en faisant passer la capacité de 15 000 à 20 000 lignes équipables;
7. mise en niveau aux normes INTELSAT du réseau domestique par satellite;
8. numérisation de la station terrienne pour les télécommunications internationales.
B - LES ATOUTS ET LES FAIBLESSES
En faisant une analyse de l’état des lieux, on peut relever les atouts suivants:
1. Malgré l’étendue du territoire et en dépit des ressources limitées, les infrastructures de télécommunications permettent de joindre toutes les principales localités du pays;
2. une volonté réelle d’assurer l’accès à toutes les régions du pays existe mais la tâche est immense étant donné la dispersion des populations et leur faible pouvoir d’achat;
3. bien que déficitaires, plusieurs localités rurales sont dotées du service téléphonique;
4. la prolifération des télécentres privés à Niamey constitue un atout non négligeable pour l’utilisation communautaire d’Internet; offrant uniquement, dans un premier temps, le service téléphonique, ils se sont peu à peu diversifiés et il existe aujourd’hui toute une gamme de télécentres qui proposent, en plus de la téléphonie classique, la télécopie, des services bureautiques (photocopie, traitement de texte, etc.), voire même la connexion à Internet;
5. l’utilisation d’Internet se développe à un rythme assez élevé même si le phénomène reste limité à Niamey et réservé de fait à une certaine élite;
6. la couverture radiodiffusion sonore et télévisuelle est intimement subordonnée au développement de l’infrastructure de télécommunications; comme nous l’avons vu plus haut, tous les programmes de développement des télécommunications et, en particulier le développement de l’infrastructure de transmission, ont toujours intégré le transport des signaux radio et TV. Mieux le PDDT 1991/2010, qui constitue encore le cadre de développement des télécommunications au Niger, a tenu compte de ce souci majeur en intégrant le transport des signaux TV et radio dans les futures modernisations et extensions du réseau;
7. la couverture radio permet de joindre la grande majorité des populations du pays;
8. les stations régionales permettent une plus grande audience en diffusant dans les langues locales;
9. la libéralisation du secteur de la radiodiffusion et de la télévision a permis d’accroître le nombre des diffuseurs indépendants;
10. soucieux de décentralisation, l’Etat est en train d’accorder des autorisations d’émettre à des radios communautaires;
11. en dépit de leur exploitation et maintenance devenues très coûteuses (rareté des pièces de rechange des équipements vétustes), la SONITEL et l’ORTN arrivent à assurer un fonctionnement acceptable de leurs équipements.
Cependant, les obstacles qui s’opposent au développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication sont aussi importants que les atouts. On peut retenir trois principales catégories d’obstacles:
des équipements vétustes;
un cadre institutionnel et réglementaire contraignant;
des ressources insuffisantes.
Pour dégager une stratégie d’utilisation des nouvelles technologies et l’information et de la communication au Niger, il nous semble essentiel de:
1. montrer que les NTIC (télécommunications, radiodiffusion, informatique, Internet) répondent véritablement à un besoin;
2. montrer comment les NTIC peuvent contribuer au développement du Niger;
3. déterminer quelles stratégies mettre en œuvre pour développer les NTIC et, ce faisant, permettre leur diffusion et leur appropriation par les populations nigériennes.
C - LES BESOINS EN NTIC
Les besoins en NTIC, bien que diffus, sont réels. Ils sont bien entendu importants avec l’utilisation de la radio et de la télévision en raison d’une grande majorité d’analphabètes dans la population, mais aussi avec le téléphone qui relève de l’oralité.
Les listes d’attente pour le service téléphonique témoignent que la demande est nettement supérieure à l’offre actuelle.
L’intérêt des populations pour le service téléphonique s’explique par son utilité et par la simplicité de la technique au niveau de l’usager, par le caractère oral de la communication, accessible même aux analphabètes, et par sa nature d’échange immédiat qui permet de donner des informations et d’en recevoir directement de son interlocuteur ce qui, au-delà de son efficacité, confère une chaleur humaine à la communication.
A titre illustratif, les populations de Bankilaré, pour communiquer avec l’intérieur du pays ou l’extérieur, sont obligées d’effectuer le déplacement en direction de Téra et du Burkina Faso (Markoy). Or, le coût du voyage sur Téra est de 2 x 2 000 FCFA = 4 000 FCFA.
L’Internet est également favorablement accueilli par l’administration, les établissements d’enseignement, les centres de recherche, les entreprises, les ONG et les institutions de coopération internationale.
Pour les populations surtout rurales, l’accès à l’Internet ne peut se concevoir qu’à travers un interface comme les radios communautaires.
Mais c’est précisément en milieu rural que les avantages des NTIC sont particulièrement importants, le coût de la prestation par habitant étant généralement beaucoup plus élevé qu’en milieu urbain, notamment en raison de la difficulté à atteindre une population dispersée et peu nombreuse dans des régions difficiles d’accès.
D - L’ACCÈS AUX NTIC
Une façon économique de «démocratiser» l’accès aux NTIC est de mettre à la disposition de chaque communauté d’une zone géographique socialement moins favorisée, des téléservices (téléphone, télécopie, Internet, télex).
Parce que le télécentre concentre toutes les facilités disponibles en télécommunications ainsi que les autres services assistés par ordinateurs pour toute la communauté en lieu et en place de lignes individuelles par ménage, il est dit communautaire. Ce faisant, le télécentre permet aux populations qui n’ont ni les moyens d’acquérir de telles installations à titre individuel, ni les compétences voulues pour les utiliser, de pouvoir bénéficier des NTIC.
Si la gamme des services assurés par le télécentre communautaire est étendue à d’autres services communautaires comme les photocopieuses, les services postaux et les services de bibliothèque, il devient un télécentre communautaire polyvalent (TCP).
Les télécentres peuvent offrir aux communautés des connaissances et des informations de source externe qu’elles peuvent intégrer au savoir local. Par exemple, un télécentre pourrait servir à une organisation sanitaire locale afin de recueillir des informations et renforcer ses programmes de sensibilisation du public, ou encore à un établissement d’éducation pour accéder à des matériels d’enseignement à distance afin de compléter les cours dispensés localement.
Mais, les télécentres ne sont pas juste des mécanismes de prestation d’informations à la communauté. Ils peuvent être utilisés par les communautés pour créer, compiler et partager leurs informations avec l’extérieur. Par exemple, des solutions mises au point à l’échelon local pour des problèmes agricoles particuliers peuvent être transmises et partagées avec d’autres communautés ayant des problèmes et des conditions biophysiques similaires.
En outre, relier les télécentres aux autres médias peut renforcer leur impact local. Par exemple, utiliser les informations recueillies sur Internet dans les programmes radiophoniques locaux peut permettre au public, qui ne peut se rendre au centre, de jouir de ses services.
En Afrique, l’UNESCO et le Centre de recherches pour le développement international (CRDI) du Canada se sont unis à l’UIT pour regrouper leurs ressources dans un «Fonds pour les télécentres africains». Ce fonds est en train de financer des projets pilotes de TCP dans plusieurs pays d’Afrique (Bénin, Mali, Mozambique, Tanzanie et Ouganda) en partenariat avec des actionnaires locaux et nationaux (y compris le secteur privé).
En conclusion, l’analyse de la situation laisse apparaître quelques atouts mais aussi et surtout trois types de contraintes qui s’opposent au développement des NTIC au Niger:
1. la vétusté et l’insuffisance des infrastructures et des équipements;
2. un cadre institutionnel et réglementaire contraignant;
3. des ressources insuffisantes.
La recherche de stratégies d’utilisation des NTIC au bénéfice du monde rural et de leur contribution à la couverture médiatique du pays a tout d’abord consisté à vérifier s’il existe véritablement des besoins en NTIC et, surtout, si les NTIC présentent des opportunités pouvant contribuer au développement du pays. Cela étant vérifié, il s’agit donc d’identifier les stratégies pouvant permettre un développement des NTIC au Niger.
Comme l’analyse de l’état des lieux a mis en évidence des contraintes majeures à la diffusion des NTIC, notre démarche a consisté alors à trouver les solutions qui permettent de les lever. Ces remèdes ont pour noms: réforme des institutions et des politiques, développement des infrastructures, mobilisation des ressources.
La mise en œuvre de ces stratégies permettra une meilleure couverture radiophonique et télévisuelle nationale. elle permettra également une «démocratisation» de l’accès à travers notamment les télécentres communautaires polyvalents (TCP).
Cependant, le développement des NTIC pose également un défi au pays dans la mesure où elles modifient radicalement les modes d’accès, d’échanges et de diffusion de l’information.
RECOMMANDATIONS
A LA SONITEL
1. Moderniser et développer le réseau de télécommunications pour supporter de façon adéquate et avec une bonne qualité de service toute la gamme service (téléphonie, fax, transmission de données, Internet, signaux radio et TV).
2. Former le personnel aux nouvelles technologies et aux nouvelles méthodes de gestion technique et commerciale du réseau.
À L’ÉTAT
1. Entamer les réformes nécessaires pour permettre le développement des infrastructures de télécommunications et de radiodiffusion sonore et télévisuelle.
2. Préserver les missions de service public dans la perspective de réformes du secteur (libéralisation, privatisation de SONITEL, restructuration de l’ORTN) sachant que certaines zones sont déficitaires.
Ajouter un commentaire