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La morgue

Titre : La morgue
S-Titre : Les agents de la morgue


Une morgue est une unité de conservation des corps durant le temps nécessaire pour que les familles ou que l’entreprise de pompes funèbres viennent retirer le corps.
Un institut médicolégal est une morgue particulière destinée à recevoir, à des fins d’identification et d’autopsie : les personnes décédées sur la voie publique (quelle qu’en soit la cause), les victimes de crimes ou de décès suspect, et les corps non identifiés.
Il existe deux types de morgues : celle à température positive +2°C/+4°C où le corps peut être conservé quelques semaines (mais la décomposition se poursuit), et celle à température négative (congélation) pour une conservation plus longue (la décomposition est arrêtée). La législation de la majorité des pays exige un enterrement sous 48 ou 72 heures. Mais dans de nombreux pays, notamment en Afrique noire, les corps demeurent parfois plusieurs semaines, mois, voire des années avant que la famille vienne retirer le corps de la morgue pour effectuer l’enterrement.
Un ethnologue, Agnès Jeanjean, qui a enquêté auprès d’égoutiers et d’agents de morgue, montre que le dégoût qu’inspirent les activités pareilles a en quelque sorte contaminé les individus qui les accomplissent. Transgressant les frontières entre vie et mort, entre nature et culture, ces agents travaillent dans des espaces marginalisés : « reposoir » situé aux limites des hôpitaux (« le dernier wagon Alcatraz », dit l’un d’eux), canalisations souterraines, stations d’épuration en lisière des villes…
Quand ils viennent chercher un corps, les agents disent se sentir invisibles : « personne ne nous regarde. Des fois que je dis bonjour et on ne me répond même pas ». Une mise à l’écart qui se perpétue même à la cantine ou à la pause cigarette, où « rares sont ceux qui engagent une discussion ou viennent les saluer ».
Ces travailleurs développent des mécanismes de défense pour relativiser le dégoût qu’ils suscitent. « Aux gens qui disent ‘’ça pue’’, notre blague à nous : je pense que vous avez le nez trop près de la bouche. C’est radical », explique un égoutier. Mais, le dégoût institue une barrière au sein même ces professions, entre ceux qui supportent et ceux qui ne supportent pas, ce qui, d’après un égoutier, se voit « dès le premier jour voire la première heure ».
Les agents de la morgue s’attachent à protéger les nouveaux venus. Car, selon l’un d’eux, travailler (à la morgue), c’est déjà un bizutage en soi. Et celui qui invoquerait le plaisir au travail, serait vu suspicieux : « le type qui a la vocation, c’est louche. Il ne faut pas le recruter. »
Un égoutier, dont l’un des collègues travaille sans gants (« il ne craint pas. Il n’est pas dégoûté »), le juge inconscient et sale. Je ne suis même pas sûr qu’il se lave les mains avant de manger. Je suis même certain du contraire. Continuer à éprouver du dégoût pour certaines choses, rassure ces travailleurs (ce n’est pas normal de ne rien ressentir).

 

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