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« Mal nommer les choses c’est ajouter au malheur du monde. » Albert Camus.

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EMBLÈMES DISTINCTIFS (OU PROTECTEURS), SIGNES OU SIGNAUX

Des emblèmes et des signes peuvent être utilisés pour identifier et notifier la protection particulière dont bénéficient certaines activités, personnes ou lieux à caractère humanitaire ou pacifique. Les Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels énumèrent ces signes distinctifs, qui indiquent que les personnes ou les objets qui les portent bénéficient d’une protection internationale spécifique et ne doivent pas être la cible d’une attaque ou d’un acte de violence (CGI, art. 24, 33, 35 et 38-44, Annexe I ; GCII, Arts. 41-45 ; GCIV, Arts. 18-22 ; PAI, Arts. 18, 37-39, 85 et Annexe I). Ces emblèmes reflètent un statut spécial de protection fourni par le droit international humanitaire (DIH) qui au-delà de la protection générale du DIH interdisant les attaques directes contre les civils. Le DIH ne prévoit pas de signe distinctif spécial permettant d’identifier les personnes, les bâtiments ou les biens civils, mais il s’appuie sur le devoir impératif du commandant d’identifier positivement les objectifs militaires par opposition aux civils.

I. Les différents signes distinctifs

L’annexe I du premier Protocole additionnel de 1977 aux Conventions de Genève fournit une liste et explique le rôle protecteur des signes distinctifs :

La croix rouge (ou le croissant rouge ou le lion rouge (qui n’est plus utilisé) sur fond blanc protège tous les services sanitaires, tels que le personnel médical et religieux, les unités sanitaires et les moyens de transport. Depuis 2005, tout membre du Mouvement international de la Croix-Rouge ou du Croissant-Rouge peut, s’il ne souhaite pas utiliser la Croix-Rouge ou le Croissant-Rouge pour des raisons culturelles ou opérationnelles, utiliser le Cristal rouge (voir infra).

Des bandes rouges obliques sur fond blanc désignent les zones et localités médicales et de sécurité.

Un bouclier, composé d’un carré et d’un triangle bleu roi, et de deux triangles blancs, désigne les objets et les biens culturels.

Un triangle bleu équilatéral sur fond orange protège le personnel, les installations et le matériel de la protection civile.

Un groupe de trois cercles orange vif de taille égale, placés sur le même axe et dont la distance entre chaque cercle est égale à un rayon, protège les ouvrages et les installations contenant des forces dangereuses.

Un drapeau blanc est le drapeau de trêve et est réservé aux parlementaires (personnes autorisées à négocier directement avec la partie adverse).

Les lettres IC (pour camp d’internement) et PW ou PG (pour prisonniers de guerre) désignent les camps d’internement pour internés civils et pour prisonniers de guerre.

II. Les emblèmes de la croix rouge, du croissant rouge et du cristal rouge

Les conditions d’utilisation des emblèmes diffèrent en temps de guerre et en temps de paix. Les Conventions et les Protocoles additionnels autorisaient initialement l’utilisation de quatre emblèmes – la croix rouge, le croissant rouge, le cristal rouge et le lion et le soleil rouges – sur un fond blanc, mais aujourd’hui seuls les trois premiers sont utilisés. En effet, depuis 1980, aucun État n’a utilisé l’emblème du lion et du soleil. L’Iran, seul État à l’avoir employé, a renoncé à son utilisation afin d’éviter la prolifération d’emblèmes internationaux désignant des activités de charité et d’assistance et de favoriser l’unification de ces emblèmes. En décembre 2005, lors d’une conférence diplomatique, le Mouvement du Croissant-Rouge et de la Croix-Rouge a adopté un troisième emblème, qui n’a aucune connotation religieuse ou politique : le cristal rouge. Il ressemble à un carré rouge posé sur la tête, sur un fond blanc. La création de ce troisième emblème est reconnue dans le troisième protocole additionnel aux Conventions de Genève, qui comptait 79 États parties en octobre 2021. Ce signe distinctif est officiel depuis 2007, mais il n’a pas encore été utilisé dans un conflit armé.

Lorsque les emblèmes sont utilisés comme indications (petite taille), que ce soit en temps de paix ou de guerre, ils montrent qu’une personne ou un lieu a un lien avec le Mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge. En temps de guerre, ils servent à assurer la protection (grands emblèmes). Leur utilisation indique que le personnel, les services, les installations ou le matériel médicaux portant l’emblème bénéficient de la protection accordée aux services médicaux par le DIH (CGI, Arts. 38-44, 53-54 ; CGII, Arts. 41-43 ; PAI, Art. 18). Toute attaque délibérée contre des personnes ou des objets portant les emblèmes protecteurs constitue un crime de guerre en vertu des Conventions de Genève et du Statut de Rome de la Cour pénale internationale.

Par conséquent, l’emblème protecteur n’appartient pas seulement au Mouvement de la Croix-Rouge mais peut également être utilisé par d’autres organisations pour protéger les activités médicales. Le CICR peut utiliser l’emblème en tout temps, tant pour des raisons de protection que d’indication. L’utilisation de l’emblème par les Sociétés nationales de la Croix-Rouge en temps de guerre est toutefois limitée par un ensemble de règles adoptées par le CICR en 1991, qui précisent la condition dans laquelle elles peuvent utiliser l’emblème dans son usage protecteur en temps de conflit armé.

➔ Déconfliction - identification et notification humanitaire

III. Conditions générales concernant l’utilisation des emblèmes distinctifs ou protecteurs

Les Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels réglementent en outre l’usage général de tous les emblèmes et signes distinctifs ou protecteurs reconnus et protégés par les Conventions. En particulier, elles précisent clairement quand il est interdit de les utiliser :

Il est interdit de feindre l’intention de négocier sous un drapeau de trêve ou de reddition (PAI, Art. 37). Le DIH coutumier rappelle que dans les situations de conflits armés internationaux et non-internationaux, il est interdit d’utiliser indûment le drapeau blanc (Règle 58 de l’étude du CICR sur le DIH coutumier publiée en 2005).

Il est interdit d’utiliser indûment le signe distinctif de la Croix Rouge, du Croissant Rouge, du Lion et du Soleil Rouges, ou tout autre emblème, signe ou signal prévu par les Conventions ou par le Protocole additionnel I (PAI, Art. 38 et Règle 59 du DIH coutumier).

Il est également interdit d’utiliser délibérément d’autres emblèmes, signes ou signaux protecteurs internationalement reconnus dans un conflit armé, y compris le drapeau de trêve et l’emblème protecteur des biens culturels (PAI, Art. 38 et règle 61 du DIH coutumier). •Il est interdit d’utiliser le signe distinctif des Nations Unies, sauf sous autorisation de cette organisation (PAI, art. 38 et règle 60 du DIH coutumier).

Il est interdit, dans un conflit armé, d’utiliser les drapeaux ou les emblèmes, insignes ou uniformes militaires d’États neutres ou d’autres États non parties au conflit (PAI, art. 39 et règle 63 du DIH coutumier).

Il est interdit d’utiliser les drapeaux ou les emblèmes, insignes ou uniformes militaires des parties adverses, que ce soit au cours d’attaques ou pour protéger, favoriser, protéger ou entraver des opérations militaires (PAI, Art. 39 et règle 62 du DIH coutumier).

Il est interdit de diriger des attaques contre le personnel médical et religieux et contre les objets arborant les signes distinctifs des Conventions de Genève, conformément au droit international (règle 30 du DIH coutumier).

L’utilisation de l’emblème est également réglementée par le droit interne de tous les États parties aux Conventions de Genève et à leurs protocoles additionnels. Cette disposition est destinée à éviter les abus et à permettre l’application et la sanction devant les tribunaux nationaux. Toutefois, de nombreuses lois nationales confèrent au ministère de la défense le pouvoir d’autoriser l’utilisation de l’emblème en cas de conflit armé. Par conséquent, la législation nationale sur l’emblème priverait largement les groupes armés non étatiques parties au conflit du droit d’utiliser l’emblème de la croix rouge pour protéger les installations médicales sous leur contrôle territorial. Cette contrainte a notamment été illustrée depuis le début de la guerre en Syrie en 2011 par l’absence d’utilisation d’emblème et les nombreuses attaques contre des installations médicales situées sur le territoire sous le contrôle de groupes d’opposition armés non étatiques. Cependant, il faut rappeler que l’affichage de l’emblème médical protégé, est un signe visible du statut protégé d’une installation médicale mais n’en est pas une condition préalable. En effet, c’est la connaissance de la nature humanitaire et médicale d’une personne, d’une activité et d’une installation donnée qui crée son statut protégé, qu’elle arbore ou non l’emblème protecteur. La connaissance du statut humanitaire et médical d’une installation par les parties au conflit peut également être affirmée par un système de notification spéciale. La notification humanitaire contribue donc à la protection contre les attaques, en complément de l’identification visuelle.

IV. Pénalité

L’utilisation perfide du signe distinctif de la Croix-Rouge, du Croissant-Rouge, du Cristal Rouge, du Lion et du Soleil Rouges, ou d’autres signes protecteurs reconnus par les Conventions de Genève et leurs Protocoles additionnels constitue une infraction grave aux lois de la guerre. En d’autres termes, il s’agit d’un crime de guerre couvert par le principe de compétence universelle (PAI, Art. 37(1)(d) et 85(3)(f)) et du statut de Rome de la CPI (Art 8(2)(b)(vii)).

En ce qui concerne les emblèmes de la Croix-Rouge, du Croissant-Rouge et du Cristal-Rouge (les trois seuls signes actuellement utilisés par le Mouvement de la Croix-Rouge), les États parties aux Conventions de Genève ont l’obligation d’adopter des lois et des sanctions applicables devant les tribunaux nationaux qui empêchent et punissent l’utilisation perfide de ces emblèmes en temps de paix ou de guerre. Pour mettre en œuvre de telles mesures, les lois nationales doivent être adaptées pour intégrer la protection de ces emblèmes.

➔ Déconfliction - identification et notification humanitaire; Personnel sanitaire; Services sanitaire; Perfidie; Biens protégés ; Personnes protégées ; Protection; Légitime défense; Compétence universelle; Crimes de guerre-crimes contre l’humanité.

Pour en savoir plus

Bugnion, François. “The Red Cross and Red Crescent Emblems” Revue internationale de la Croix-Rouge, Vol. 29, No. 272 (Septembre–Octobre 1989): 408–19.

Cauderay, Gérald, Means of Identification for Protected Medical Transports, Geneva: CICR, 1994.

Comité international de la Croix-Rouge, Study on the use of the emblems: operational and commercial and other non-operational issues, Genève, 2011, 336 pages, disponible sur: https://www.icrc.org/en/doc/assets/files/publications/icrc-001-4057.pdf

Dinstein, Yoram. The Conduct of Hostilities under the Law of International Armed Conflict. Cambridge: Cambridge University Press, 2004.

Final Act of the Diplomatic Conference on the adoption of the Third Protocol additional to the Geneva Conventions of 12 August 1949, and relating to the adoption of an Additional Distinctive Emblem (Protocol III), “Adoption of an Additional Distinctive Emblem”, Revue internationale de la Croix-Rouge, Vol. 88, No. 861 (Mars 2006): 187–96.

XIX Guide pour la mise en œuvre des règles protégeant la fourniture des soins de santé dans les conflits armés et autres situations d’urgence, disponible sur : https://www.icrc.org/fr/download/file/19840/4028_001_29_ihl_annx_19_web.pdf

Henckaerts, Jean-Marie et Louise Doswald-Beck, eds, Customary International Law, Vol. 1, The Rules,Cambridge: Cambridge University Press, 2005, esp. part 1. Sommaruga, Cornelio. “Unity and Plurality of the Emblems”, Revue internationale de la Croix-Rouge, Vol. 32, No. 289 (Juillet–Août 1992): 333–38.

Article également référencé dans les 3 catégories suivantes :

Guerre (42)

Protection (29)

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