Hadéen

Hadéen

L'Hadéen correspond au premier éon géologique de l'histoire de la Terre. Il commence avec la formation de la Terre, il y a environ 4,6 milliards d'années (Ga), et se termine il y a 4 milliards d'années (Ga). L'Hadéen est la division la plus ancienne des temps géologiques et forme la première partie du Précambrien[1]. Ensuite, on entre dans l'éon Archéen, dont la première ère est l'Éoarchéen.

L'Hadéen est donc la « petite enfance » de la Terre, mais représente tout de même 600 Ma dans le Précambrien, le Précambrien représentant les 86 premiers pour-cents du temps d'existence de la Terre (soit 4 milliards d'années). Compte tenu de l'étendue temporelle de cette période et de son « âge » sur l'échelle des temps géologiques, les connaissances des géologues sont minces comparativement aux dernières périodes géologiques. Toutefois, les spécialistes distinguent parfois plusieurs divisions dans l'Hadéen, d'après quelques grands événements certains ou potentiels (dont on a également les traces via l'étude de la Lune).

Étymologie

Le terme « Hadéen » dérive d'Hadès, le nom grec désignant l'invisible ou les Enfers, ce qui doit rappeler les conditions générales de la Terre à cette époque. C'est le géologue Preston Cloud qui a le premier utilisé l'expression, en 1972 : elle désignait sous sa plume la période située avant la plus ancienne roche connue. Au XIXe siècle, on trouvait souvent employé le terme d'Azoïque, c'est-à-dire la période de temps « sans ou avant la vie ». Des découvertes récentes[2] remettent en cause la terminologie moderne, en particulier à cause d'une présence potentielle d'eau à des âges beaucoup plus anciens que ce que l'on croyait jusqu'alors.

Phénomènes généraux de l'Hadéen

Cet éon correspond à la formation et à la stabilisation de la Terre primitive.

L'Hadéen se résume en deux phases majeures :

  • A: 4,568 à 4,4 Ga, la période de l'océan magmatique et de la différenciation du noyau métallique.
  • B: 4,4 à 4,00 Ga, proto-croûte continentale.

Formation de la Terre

Cette phase recouvre la transformation de la nébuleuse primitive en un système solaire complet. Ses grandes phases sont les suivantes :

  • il y a 4 568 Ma, la nébuleuse primitive commence son effondrement sur elle-même. Cet effondrement n'est vraisemblablement pas spontané, sans quoi la galaxie serait dépourvue de nébuleuses. C'est pourquoi il est supposé qu'une supernova, explosant dans un voisinage compté en années-lumière voire en dizaines d'années-lumière, a provoqué cet effondrement ;
  • l'effondrement passe par le stade de globule de Bok, avant de prendre une forme de disque renflé en son centre, lequel contient l'essentiel de la masse de la nébuleuse d'origine et est essentiellement constitué d'hydrogène. Par simple contraction, sa température augmente. Ce genre de nuage est le plus visible aujourd'hui en infrarouge ;
  • la masse du nuage est suffisante pour que sa température au centre dépasse, avec sa pression, les conditions nécessaires pour démarrer la fusion de l'hydrogène. Cela se traduit par un million d'années d'une intense activité solaire. Beaucoup de matière est projetée au loin, en deux jets perpendiculaires au plan du disque : c'est le stade des objets d'Herbig-Haro ;
  • cette activité souffle les matériaux légers (hydrogène, hélium, eau, ammoniaque, etc.) loin du Soleil. Le système solaire est séparé en une partie interne, riche en matériaux réfractaires comme la silice et le fer, et en une partie externe, qui s'enrichit en éléments légers ;
  • cet enrichissement a permis la formation initiale de Jupiter, située juste hors de la zone riche en éléments réfractaires (ua). Cette première planète a localement perturbé le disque protoplanétaire ;
  • durant la phase Herbig-Haro, le disque a concentré des particules de poussière de compositions différentes. Leur agrégation donne des grains de plus en plus gros, jusqu'à la formation de météoroïdes et de planétésimaux ;
  • finalement, les planétésimaux terminent l'accrétion des planètes par des collisions entre eux. Des corps de dimension planétaire donnent naissance à la Lune par collision tangentielle avec la proto-Terre, arrachent la croûte de Mercure et changent le sens de rotation de Vénus. Les planètes actuelles sont en place. Elles sont accompagnées d'un grand nombre de météorites.

La gravitation a fait tomber ces derniers sur les planètes. La Lune en a gardé la trace et sert de référence pour considérer que le bombardement a duré durant toute la seconde phase de l'Hadéen. Nous sommes alors à 4 500 Ma dans le passé. En 100 Ma, le nuage primordial est devenu un système solaire très jeune, dont la Terre fait partie. Cependant, elle n'est pas stabilisée.

Stabilisation de la Terre

À -4 500 Ma, l'hypothèse de l'océan magmatique terrestre considère que la chaleur accumulée (énergie d’accrétion, énergie radioactive, etc.) après l'accrétion est telle que, en l'absence de convection interne, la partie externe de la Terre (500 à 1 000 km) fond en un océan magmatique. Le dégazage du magma ou des roches sous l'océan magmatique commence et forme l'atmosphère initiale, dite primitive. Compte tenu du rayonnement du Soleil à ce stade de sa vie (un peu plus de 70 % de la valeur actuelle : paradoxe du jeune Soleil faible (en)), et sur la base d'une atmosphère primitive comparable à l'atmosphère actuelle, la Terre, selon la théorie de la Terre primitive froide aurait été gelée avec une température de surface proche de −20 °C. Cependant, un fort effet de serre est attesté, imputable à la composition différente de l'atmosphère primitive : elle contenait vraisemblablement de grande quantité de gaz à effet de serre (CO2, vapeur d'eau…). D'après les gaz contenus aujourd'hui dans les volcans, on pense à une répartition entre les éléments majoritaires suivants : CO2, CO, N2, H2 et HCl. Petit à petit, l'atmosphère se refroidit suffisamment pour que l'eau qu'elle contient tombe en pluie. Après cette séparation, la pression atmosphérique devait être proche de 20 MPa, ou 200 bars. Les océans ont donc commencé à se former dès que la température de surface est devenue inférieure à la température critique de l'eau (374,2 °C — dans le cas où la pression atmosphérique était supérieure la pression critique de l'eau égale à 225 bars), mais plus probablement en dessous de 350 °C. Cette opération était terminée à -4 300 Ma.

À -4 400 Ma, la cristallisation et la différenciation de ce magma lors de son refroidissement forme alors une mince proto-croûte continentale basaltique, un manteau silicaté et un noyau métallique[3]. En même temps, le noyau s'est formé. Lorsque le planétésimal qui deviendra la Terre passe une masse critique, les éléments radioactifs, plus abondants et nombreux qu'aujourd'hui, se mettent à réchauffer ce corps. Le fer est l'élément le plus dense parmi les éléments abondants. Sous l'effet de la chaleur, il s'est mis à former des gouttelettes de métal fondu qui se sont dirigées vers le centre. Lente au début, cette opération s'est ensuite suffisamment accélérée pour que certains parlent de catastrophe du fer. La graine du noyau terrestre s'est alors formée.

À -4 300 Ma, la présence d'eau dans les magmas basaltiques a fait apparaître des roches de type granitique. L'eau de surface a fait aussi apparaître des sédiments détritiques et une différenciation chimique associée. Cela a fait naître des roches d'une densité inférieure à celle des roches basiques. Elles sont restées en surface. Ces paquets de roches se sont regroupés en proto-continents par collisions. Le Grand bombardement tardif entre 4,1 à 3,9 Ga a probablement refondu plusieurs fois cette croûte solide, jusqu'à la formation définitive de l'atmosphère et des océans grâce notamment au bombardement d'astéroïdes couverts de glace (théorie de l'origine extraterrestre de l'eau après l'impact géant lunaire qui a asséché la planète - voir l'Origine de l'eau sur la Terre[4]). Un enrichissement en eau par un bombardement météoritique plutôt que cométaire est supposé, cela étant attesté par le rapport deutérium/hydrogène des roches météoritiques qui se rapproche le plus, voire est identique à celui de nos océans actuels. La présence d'eau mantellique liquide en grandes quantités rend ductile la lithosphère stagnante grâce au manteau hydraté moins rigide, la tectonique des plaques a alors pu démarrer. Elle devait comporter plus de zones de subduction et de plaques qu'actuellement car la croûte était plus fine et la chaleur disponible plus grande. La tectonique des plaques a permis de démarrer la différenciation des croûtes continentale et océanique.

Les conditions nécessaires à l'apparition de la vie, correspondant à la fin de -4 300 Ma, sont réunies lorsque ce grand bombardement est achevé.

Roches de l'Hadéen

Durant les dernières décennies du XXe siècle, des géologues ont identifié et daté quelques roches de l'Hadéen sur différents sites (ouest du Groenland, nord-ouest du Canada, ouest de l'Australie). La plus ancienne formation de roches connue est située au Sud-Ouest du Groenland, dans la ceinture de roches vertes d'Isua. Elle a révélé quelques sédiments altérés datés d'environ 3 800 Ma et provenant d'un dyke qui a pénétré des roches déjà maintes fois déposées. Plus anciens encore, des cristaux de zircon (constituants d'une roche, donc), redéposés sous la forme de sédiments, ont été trouvés dans le gneiss d'Acasta (en) de la partie ouest du Canada et dans la région des Jack Hills (en), à l'ouest de l'Australie. Ils datent d'environ 4 400 Ma, c'est-à-dire très proche de l'époque de la formation de la Terre sur l'échelle des temps géologiques. Les échantillons du Groenland contiennent des BIF (banded iron formations), donc potentiellement des composés organiques carbonés. Cela signifie qu'une vie fondée sur la photosynthèse était peut-être déjà présente [réf. nécessaire]. En comparaison, les fossiles certains les plus anciens sont des stromatolites dont l'âge est d'environ -3,4 Ga[5].

Notes et références

  1. http://www.stratigraphy.org/ICSchart/ChronostratChart2015-01.jpg
  2. (en) There was no such thing as hell on Earth, The National Australian University, 18 novembre 2005.
  3. (en) Kleine, T., Munker, C., Mezger, K. et Palme, « A short timescale for terrestrial planet formation from Hf-W chronometry of meteorites », Nature, vol. 418, no 6901,‎ , p. 949-952
  4. (en) Francis Albarède, « Volatile accretion history of the terrestrial planets and dynamic implications », Nature, vol. 461,‎ , p. 1227-1233 (DOI doi:10.1038/nature08477)
  5. (en)Riding, R. (2007), « The term stromatolite : towards an essential definition », Lethaia 32 (4): 321–330

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